— Tribune

Des atolls en péril

Hélène Jacot Des Combes

Il y a énormément d’îles dans l’océan Pacifique tropical. Plusieurs milliers, réparties entre une dizaine de petits États insulaires (îles Fidji, Samoa, îles Marshall) et des territoires ultramarins (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Pitcairn). Il y a les îles volcaniques, plutôt grandes comparées aux autres, avec un relief marqué et des eaux de surface irriguant une terre riche, comme Viti Levu, la principale île des Fidji. On trouve également des récifs coralliens surélevés après une activité sismique très ancienne, des îles plates et assez hautes au-dessus du niveau de la mer, comme Niue, la plus grande, qui atteint 60 m d’altitude. Enfin, il y a les atolls avec leur étroite bande de sable blanc plantée de palmiers, qui entoure un lagon aux eaux turquoise et aux récifs multicolores. Trois États en sont uniquement formés : les îles Marshall, Kiribati et Tuvalu.

Le réchauffement climatique assombrit fortement le futur de ces îles. Comme dans le reste du monde, l’augmentation des températures et le changement du régime des pluies ont des conséquences négatives sur l’agriculture, l’approvisionnement en eau, la santé humaine et la biodiversité. Et dans cette région dominée par l’océan, l’augmentation des températures et l’acidification des eaux perturbent les écosystèmes, près des côtes et en haute mer. Pour les populations qui ont pour source principale de protéines poissons et autres espèces maritimes, et pour les économies dont la pêche est un secteur capital, les conséquences sont dramatiques. Les évènements climatiques extrêmes – sécheresses, pluies diluviennes générant inondations et glissements de terrain, tempêtes et cyclones – y deviennent plus fréquents et plus intenses. Outre les retombées humaines, ces catastrophes ont un coût économique écrasant pour des petits pays en voie de développement. Mais la crainte majeure concerne les conséquences de la montée du niveau de la mer. Sur presque toutes les îles du Pacifique, habitations, infrastructures et activités économiques sont concentrées dans la zone côtière et donc très exposées aux inondations et à l’érosion côtière mais aussi à la dégradation prématurée des infrastructures due à l’exposition au sel. En cas de cyclones ou de très forte houle, l’eau salée s’enfonce dans les terres, contaminant le sol et les eaux souterraines. Toutes les îles sont touchées, mais pour les atolls, leur existence même est menacée.

Les caractéristiques qui en font des décors de carte postale les rendent aussi très vulnérables. Leur bande de sable blanc, étroite, très basse (2 m d’altitude en moyenne) sera submergée plus régulièrement et plus loin à l’intérieur des terres. Les inondations extrêmes seront de plus en plus fréquentes. Non seulement ces évènements vont endommager habitations et infrastructures, mais ils conduiront à la salinisation des sols et des réserves d’eau souterraines. Dans le sol, l’excès de sel réduit les cultures et diminue les rendements ; les réserves d’eau souterraine, minces lentilles d’eau douce «flottant » au-dessus de l’eau salée dans le sol poreux, sont limitées en taille, très sensibles aux changements du régime des pluies et longues à se régénérer après une salinisation. Lorsque l’intervalle entre deux évènements extrêmes sera inférieur à la durée de régénération, la lentille deviendra saumâtre puis salée, et disparaîtra. L’association de ces effets rendra les atolls inhabitables pour les humains et dégradera leur écosystème spécifique.

Dans les lagons, les coraux blanchissent sous l’effet du réchauffement et sont fragilisés par l’acidification océanique détruisant les écosystèmes marins, principales sources de nourriture pour les habitants. Sans coraux, le tourisme, secteur économique majeur, déclinera avec des conséquences importantes sur l’emploi et la richesse.

Avec le changement climatique, les petites îles du Pacifique sont en grand danger et certaines vont devenir inhabitables, voire disparaître. Réunis, les États insulaires du Pacifique représentent moins de 1 % des émissions de gaz à effet de serre et ne sont donc pas  responsables du changement climatique. Pourtant, ils sont en première ligne et leur futur n’est pas entre leurs mains. Il y a urgence, ne laissons pas disparaître les atolls !

184 pages
Broché
ISBN : 978-2-38036-082-0

19 €
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Au sommaire :

Dossier Îles : écologie et biodiversité des îles par Sébastien Larrue, géopolitique des îles par Marie Redon, imaginaire insulaire par Frank Lestringant, entretien avec Hervé Hamon, extraits littéraires illustrés, infographies, conseils de lecture, de films, de musique…

 

Hors dossier : atlas, cartes anciennes, héros et héroïnes d’hier et aujourd’hui, entretien avec Audrey Dussutour, portfolio de Taiji Matsue et Risaku Suzuki, aparté avec William Acker, l’histoire des pollutions par Thomas Le Roux, histoire du haricot par Eric Birlouez, planches naturalistes de Mary Vaux Walcott, trésors photographiques de Kazumasa Ogawa, portrait de Marianne North par Valérie Chansigaud, agenda culturel, correspondance, poème et récit illustrés

Sébastien Larrue, biogéographe

Une science récente, la biogéographie insulaire, étudie les facteurs déterminant le nombre
d’animaux et de plantes sur les îles, et les processus conduisant à la naissance des espèces endémiques. Elle pointe aussi les perturbations humaines, incluant les invasions biologiques, qui concourent à la disparition des formes natives. On le sait depuis Darwin, les îles sont de formidables observatoires pour mieux comprendre la mobilité et l’évolution des espèces.

Marie Redon, géographe

Paradisiaques ou corruptrices, hospitalières ou farouches, utopiques ou prosaïques, les centaines de milliers d’îles qui parsèment notre planète globalisée concentrent aujourd’hui ce que l’humanité croit avoir de meilleur, l’innocence, la pureté, le rêve, et ce qu’elle a de pire, l’isolement, la cupidité, la destruction. Horizons lointains de nos aspirations éternelles, elles sont désormais les vigies de notre destin commun.

Frank Lestringant, professeur de littérature

Depuis Homère, les îles ont un statut à part dans la production littéraire occidentale, entre
mythes et atlas. Le calcul tardif des longitudes, à la fin du XVIIe siècle, a préservé un flou géographique mis à profit par Defoe ou Swift pour situer leurs aventures, réalistes ou parodiques. Avec Jules Verne, la science s’empare de la fiction pour inventer d’autres îles, encore plus étonnantes que celles de l’Odyssée.

Hervé Hamon, écrivain et cinéaste

Pour l’indéfectible Breton, auteur de l’Abeille d’Ouessant et du Dictionnaire amoureux des îles,
ni la félicité ni l’insularité ne sont l’apanage des «montagnes attaquées par la mer», et son cœur balance entre le lointain paradis de l’archipel des Palaos, éparpillé au milieu du Pacifique, et le proche éden de l’île de Batz, à un quart d’heure au large de Roscoff.

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