Le lac Victoria, en luganda Nalubabaale (« source du Nil »), est le plus grand lac d’Afrique et le deuxième plus grand lac d’eau douce au monde. Mais la qualité de cette eau s’est considérablement dégradée, comme en témoigne le changement de couleur de sa surface : jadis bleue, elle a viré au vert. Le lac se situe sur le territoire de trois pays d’Afrique de l’Est : l’Ouganda (42 %), la Tanzanie (52 %) et le Kenya (6 %). Le Kagera est son principal affluent.
C’est dans cet écosystème qu’ont été observées la disparition massive d’espèces de poissons et la chute brutale de la biodiversité, phénomènes essentiellement imputables aux activités humaines. Une grande partie de l’eau dont nous avons besoin au quotidien pour cuisiner, laver le linge, prendre une douche, provient des lacs et d’autres eaux de surface, et beaucoup de vies dépendent de ces réserves. Faute de mesures de préservation généralisée et de systèmes de protection et de traitement adéquats, ces réserves sont de plus en plus polluées et le niveau de l’eau baisse de jour en jour. La grande quantité de déchets déversés dans les lacs a un effet destructeur sur l’environnement. Les espèces aquatiques disparaissent les unes après les autres.
Le lac Victoria achemine de l’eau et des nutriments vers différentes régions ; jouant un rôle essentiel dans le cycle de l’eau, il agit comme canal de drainage pour les eaux de surface. Sa température moyenne a augmenté de près de 1,2 °C en quatre-vingts ans, tandis que celle de l’air progressait de 1,6 °C.
Le lac Victoria subit de plein fouet les effets du réchauffement climatique, en particulier ceux imputables aux activités humaines : surpêche, extraction de sable, pollution par les plastiques, déversement de déchets industriels et domestiques, pêche illégale et, plus récemment, ingérences politiques. En 2015, le président ougandais Yoweri Museveni a suspendu toutes les opérations de l’autorité de surveillance de la pêche, la Lake Victoria Fisheries Organisation, accusée de se livrer à des pratiques de corruption. La baisse des niveaux d’eau du lac a également entraîné une pénurie d’eau dans certaines villes, dont Kampala, Jinja, Entebbe, Mwanza, Kisumu, Bukoba, Musoma et Homa Bay.
L’élévation des températures a accéléré la raréfaction de l’oxygène dans l’eau, ce qui nuit à la pêche et limite le mélange des eaux (overturn), garant de la bonne santé de l’écosystème lacustre. Entre 1998 et 2004, les débits en provenance du bassin-versant ont chuté de 14,7 % et le niveau du lac a baissé de 1,64 m, essentiellement du fait de la sécheresse induite par le réchauffement climatique.
Ces phénomènes ont des conséquences dramatiques sur l’activité de pêche en eau douce, qui joue un rôle économique central en Ouganda. Sur les rives du lac, la subsistance des populations repose en grande partie sur la pêche, la transformation et la vente ; le réchauffement climatique se répercute sur leurs revenus, aggravant ainsi la pauvreté.
L’extraction de sable perturbe fortement la reproduction et la survie des poissons, qui y enfouissent leurs œufs, et libère des polluants radioactifs.
La saturation des rivières et la construction de barrages hydroélectriques génèrent une pollution causée par les rejets d’eau chaude en provenance des centrales thermiques. L’Ouganda prévoit d’ouvrir prochainement une nouvelle centrale hydroélectrique sur le barrage de Murchison Falls – ce qui nuira en outre à la beauté de la nature. La conception du barrage d’Owen Falls, mis en service en 2000, repose sur les niveaux d’eau moyens observés sur le lac Victoria pendant la période 1960-1990 ; or, ceux-ci sont nettement plus bas aujourd’hui.
Enfin, le déversement de déchets industriels dans l’eau a un impact majeur sur le lac Victoria. Et les rejets d’eaux usées présentent une teneur élevée en nutriments qui, une fois dissous, détériorent l’environnement naturel.
Il est temps d’agir, en contribuant activement à la prévention de la pollution aquatique : nous devons garantir la disponibilité de l’eau, sa gestion durable et l’assainissement pour tous. Nous devons préserver nos plans d’eau.
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« La Pomme d’amour », d’Étienne Denisse (1846)
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Dossier Lacs : physiologie et pathologies des lacs, vivre autour d’un lac, lac Tchad, lac Pavin et autres lacs maars, entretien avec Laurent Touchart, extraits littéraires illustrés, espèces en danger, les plus grands lacs du monde, cités lacustres et flamants roses, conseils de lecture, de films, de musique…
Hors dossier : atlas du Soleil, cartes anciennes, héros d’hier et d’aujourd’hui, entretiens, portfolios, planches naturalistes, trésors photographiques, portrait de Rachel Carson, agenda culturel, correspondance, poème et récit illustrés…
Gilles Boeuf, biologiste
Vastes comme des mers ou modestes comme des étangs, les lacs occupent sur la Terre une surface équivalente à dix fois la France. Abritant une flore et une faune aussi abondantes que menacées, ils
souffrent de notre proximité, de notre négligence et de nos intrusions. Le biologiste Gilles Boeuf, président du Conseil scientifique de l’Agence française pour la biodiversité, en fait le diagnostic.
Magali Reghezza-Zitt, géographe et maître de conférences à l’ENS
Les lacs fixent nos sociétés et certaines de nos civilisations depuis la préhistoire. Formidables gisements de ressources, ils ont répandu les bienfaits de l’irrigation, de la pêche, de la chasse et de l’élevage, et aujourd’hui ceux du tourisme et de la contemplation. Mais comme s’en inquiète la géographe Magali Reghezza-Zitt, si nous ne les protégeons pas davantage, leur vie et nos vies s’en trouveront diminuées.
Christian Seignobos, géographe
Le lac mince et marécageux qui abreuve quarante millions d’Africains est le séjour fluctuant de plus de deux millions de cultivateurs, éleveurs et pêcheurs, certains installés sur ses îles depuis des siècles et d’autres accourus de ses quatre pays riverains. Le géographe Christian Seignobos montre comment les tensions interethniques et militaires en ont fait un inquiétant « objet hydro-politique ».